Les opérateurs de réseaux de soins face au 100% Santé

10/05/2019

Point actualité

Une réforme impliquant essentiellement trois acteurs

Sans trop rentrer dans le détail de la réforme, il est important de rappeler le fonctionnement global du dispositif.

Le déploiement a débuté en 2019 avec la mise en place de tarifs limite de vente (PLV) en audioprothèse et d’honoraires limites de facturation (HLF) en dentaire, se poursuit en 2020 avec la mise en place des adaptations du contrat responsable et l’application des paniers sans reste à charge en optique, et partiellement en dentaire, pour ensuite s’achever en 2021 avec la mise en place totale des paniers sans reste à charge sur l’ensemble des domaines du périmètre.

Ajoutons à cela que des revalorisations de certaines bases de remboursement de la Sécurité Sociale interviennent tout au long de ce déploiement.

Nous avons trois acteurs principalement concernés :

  • Les organismes complémentaires, qui doivent opérer des adaptations sur leurs contrats
  • Les professionnels de santé, qui doivent respecter des tarifs sur certains actes ou équipements
  • L’Assurance Maladie, pour la revalorisation de certaines bases de remboursement

L’accès aux soins devrait donc être favorisé par une régulation de certains tarifs, accompagné d’une revalorisation de la prise en charge du régime obligatoire et complémentaire.

Qu’est-ce qu’un « réseau de soin » au juste ?

Rappelons d’abord ce que l’on entend par « réseaux de soins », du moins sur le secteur de l’assurance santé.

Un réseau de soin est le principe selon lequel un professionnel de santé respecte une grille de tarifs, généralement inférieure aux pratiques du marché, tout en s’engageant sur différents critères qualitatifs.

Ces réseaux sont animés et opérés par des plateformes santé, dont la plupart ont été créées au début des années 2000, à l’initiative des organismes complémentaires, sur la base d’un constat assez simple : l’augmentation d’un niveau de garantie peut avoir un impact sur la hausse des prix pratiqués par les professionnels de santé. Le simple levier de la garantie n’est pas suffisant pour diminuer le reste à charge, il faut également agir sur le montant de la dépense.

Les opérateurs de réseaux de soins ont donc développé des réseaux principalement sur les domaines pour lesquels les reste à charge sont importants : dentaire, optique et audioprothèse.

Ces opérateurs proposent généralement la gestion du tiers-payant en complément des réseaux de soins, cela permettant de garantir le respect des tarifs pratiqués par le professionnel de santé, et de procéder si nécessaire à des vérifications sur l’équipement délivrés ou les soins effectués.

Un cadre réglementaire existe depuis 2014, avec l’adoption de la Loi LEROUX du 27 janvier 2014
« relative aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes d’assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé ».

Certains opérateurs proposent également des solutions d’accompagnement sur la conception de garanties sur mesure, s’adaptant aux tarifs pratiqués dans les réseaux afin de construire des garanties… sans reste à charge.

Il est assez évident de constater une similitude avec le contenu de la réforme, et de logiquement se poser la question du devenir de ces plateformes santé, qui par ailleurs ont été tenues à l’écart des négociations du 100 % Santé.

Quelles sont les pistes ?

Tout d’abord, il convient d’apporter quelques précisions.

Premièrement, l’activité de réseaux de soins ne se limite pas aux seuls domaines optique, dentaire et audioprothèses. En effet, on peut citer l’existence de réseaux en ostéopathie ou en chirurgie réfractive par exemple, domaines où le régime obligatoire n’intervient pas.

Deuxièmement, les limites de tarifs fixées par la réforme ne concernent pas l’ensemble des actes ou équipements, il y aura donc toujours des prix libres sur lesquels agir. Les négociations tarifaires ne sont d’ailleurs pas la seule composante d’une offre « réseau de soin », qui contient souvent un volet qualitatif.

Troisièmement, les plateformes santé proposent d’autres types de services : orientation, notamment sur le sujet de l’hospitalisation, deuxième avis médical, plateforme psycho-sociale, développement d’outil de prévention…les réseaux de soins font partie de l’offre de service des plateformes santé mais ne représente plus leur seule activité pour la plupart des acteurs.

Il existe par conséquent plusieurs pistes de réflexion :

> Poursuivre l’intervention sur les réseaux « historiques » concernés par la réforme du 100 % Santé.

De nombreux équipements et soins ne seront pas concernés par une limitation des tarifs et peuvent donc conduire à des accords tarifaires entre professionnels de santé et plateformes santé. Par ailleurs, il n’est pas exclu que l’application de la réforme ait des impacts sur les pratiques des professionnels de santé. En dentaire par exemple, une augmentation des actes en panier libre est tout à fait envisageable.

Il est à noter cependant que l’efficacité des réseaux de soins dépendra aussi fortement des adaptations des garanties qui seront proposées par les organismes complémentaires.

> Contrôler la qualité en panier « 100 % Santé »

Certains acteurs affirment que la qualité des équipements délivrés en optique sur le panier « 100 % Santé » sera très discutable, en raison des prix bas exigés. Les réseaux de soins pourront ainsi fixer auprès de leurs professionnels de santé conventionnés les critères qualitatifs à respecter permettant de garantir au bénéficiaire un équipement avec le meilleur rapport qualité / prix.

> Continuer à explorer d’autres domaines d’intervention

Bien que la Loi Le ROUX fixe quelques limitations, il existe plusieurs domaines dans lesquels intervenir, et sans pour autant mettre en place une offre de type « réseau de soin ».

Les nouveaux services peuvent s’articuler autour de l’accompagnement, du conseil et de l’orientation.

La prévention également est un sujet important, et est d’ailleurs un axe fort mis en avant par le gouvernement.

Il convient d’ailleurs de ne plus réfléchir par domaine d’intervention mais par préoccupation et besoin du bénéficiaire de soin.

> Lutter contre la fraude et veiller au respect des tarifs limite de vente

L’expertise du marché et des pratiques des professionnels de santé des réseaux de soins doit être mise davantage à profit afin de mettre en place un accompagnement de détection et de lutte contre la fraude.

Par ailleurs, les opérateurs de réseaux de soins sont en mesure au travers de leurs outils de tiers-payant de veiller au respect des tarifs imposés par la Loi.

> Développer des partenariats, en s’inscrivant dans une logique omnicanale et digitale

La mise en place de nouveaux services doit impérativement s’inscrire dans une démarche actuelle, répondant aux nouveaux usages de la société. Le développement de partenariats peut accélérer et faciliter la mise en place de nouveaux services innovants.

En conclusion

Dans un contexte réglementaire conduisant les organismes de complémentaire santé à proposer des garanties standard, les services associés sont de plus en plus au cœur de la stratégie de différenciation, ce qui offre des opportunités aux acteurs tels que les opérateurs de réseaux de soins.

L’impact de la réforme 100 % Santé concerne surtout une partie de l’activité (certes importante) des opérateurs de réseaux de soins, qui ont déjà amorcé leur transformation afin d’évoluer vers de véritables plateformes de services spécialisés.

Il est cependant clair que ces plateformes évoluent dans un milieu difficile où leur activité peut être remise en cause pratiquement du jour ou lendemain, ce qui les oblige à construire leur stratégie en anticipant au mieux les menaces. Dernière en date :  le Centre National des Professions de Santé (CNPS), organisation syndicale qui regroupe des professionnels de santé libéraux, qui considère que le 100 % Santé rend obsolètes les réseaux de soins et demande une révision de la loi Le Roux.

En définitive, les enjeux sont surtout de développer une offre de services attractive, et de faire face à une concurrence plus large sur toute ou partie du nouveau périmètre couvert : assisteurs, opérateurs de tiers-payant, acteurs de la « tech », …

Sources

  • Dossier de presse « 100 % Santé », Ministère des Solidarités et de la Santé, juin 2018
  • Article « Réseaux de soins : L’avenir présente beaucoup d’opportunités », l’assurance en mouvement, octobre 2018
  • Article « Les réseaux de soins face au choc du RAC 0 », Argus de l’Assurance, décembre 2018
  • Article « Rôle des Rôle des réseaux de soins avec le 100 % Santé : les Ocam aussi s’interrogent », acuité, février 2019

Article « 100 % Santé: La législation des réseaux de soins pointé du doigt », EDP Audio, juillet 2019